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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2004 >  N° 61 mai 2004

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        Une expérience originale

        Les petites conférences philosophiques

        Depuis septembre 2003, le Centre Dramatique National de Montreuil et sa directrice Gilberte Tsaï proposent une initiative novatrice, un samedi par mois : des petites conférences permettent à des enfants de philosopher.

    Les conférences font naviguer les enfants à travers des thèmes aussi divers que la guerre, l’univers, pourquoi nous vivons dans des villes, l’histoire du chocolat...Le choix des intervenants est volontairement varié : écrivain, philosophes, chocolatier, astrophysicien viennent parler de leurs passions.

    L’image

    Aujourd’hui, la dernière conférence de la saison démarre avec Marie-José Mondzain, philosophe, qui vient nous parler de l’image. La salle est au deux tiers pleine et l’ambiance studieuse.

    Les images rendent visible tout ce que je veux voir, tout ce qui existe ou n’existe pas. Comment connaître ce qui est invisible, hors de moi ? C’est ce que les enfants apprivoisent en cherchant des images qui font peur, des images de monstres. Ainsi, les images renvoient à tous les degrés du désir et de l’effroi.

    En regardant autre chose que de belles images, nous développons un moyen de connaissance, nous nous séparons du monde pour mieux l’appréhender. S’il n’y a pas de séparation, rajoute Marie-José Mondzain, nous pouvons devenir cruel ou inhumain, perdre la réalité, tuer celui qui nous gêne sans pouvoir reprendre un crayon pour le redessiner.

    Images positives

    Projection à l’appui, Marie-José Mondzain nous montre des images « positives », celles qui nous instruisent, nous construisent : une peinture rupestre composée d’une multitude d’empreintes de mains et réalisée grâce à des pigments projetés par la bouche : c’est le souffle vital et aérien de l’homme qui permet à l’image de se constituer. Ailleurs, en Éthiopie, une peinture traditionnelle pour la guérison d’un malade : l’image représente le démon qui habite son corps. Celui-ci, lorsqu’il verra sa propre image à travers les yeux du patient sera effrayé et s’enfuira. Ces images, malgré l’émotion qu’elles peuvent susciter, doivent, et c’est là l’essentiel, amener le dialogue afin que nous soyons là, « avec notre esprit et notre liberté ».

    Mises en images

    Viendront ensuite les images totalitaires, terrifiantes, véritables mises en scène calculées. Souvent issues de la publicité, leur violence est liée à l’obéissance qu’elles suscitent chez le spectateur : « prostitution légale » ou l’enfant singe les attitudes de séduction de l’adulte, image de régression infantile où l’univers de l’ordinateur est comparé au sein maternel...

    On a regretté que la philosophe n’ait pas davantage réussi à se mettre à la portée des enfants. L’exposé, beaucoup trop long et difficile pour le jeune public, a permis cependant un échange de questions essentielles : à propos du terrorisme, un enfant propose de montrer aux auteurs des attentats les images des morts qu’ils ont commis : tel le démon Éthiopien, le terroriste verrait son acte en images et comprendrait son erreur. Cette suggestion permet à Marie-José Mondzain de rebondir sur la stratégie de l’image terroriste, véritable mise en scène de la mort. Un attentat cherche, à travers les morts qu’il provoque à se dupliquer en images photogéniques effrayantes d’autant plus réussies que nous resterons sans voix...

    A nous d’avoir en soi la force de dire « tu ne me terroriseras pas avec ces images ».

    Claire Loupiac


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