Élections municipales (1) : 1971, 1977, 1983


A cette époque, il n’y a pas encore la proportionnelle partielle que nous connaissons aujourd’hui : la liste arrivée en tête rafle tous les sièges, il n’y a pas d’opposition au sein des conseils municipaux. Le PCF dirige seul la municipalité de Montreuil depuis 1935. En 1965, il avait invité 3 socialistes sur sa liste, dont Georges Verry.

1971 et 1977

En mars 1971, la liste du PCF est élue dès le premier tour, avec plus de 60% des voix, contre une liste de droite “le renouveau de Montreuil”. La participation socialiste s’est accrue (6 élus), il y a un radical de gauche, des “sans parti”. La liste est baptisée “union démocratique pour une gestion sociale, moderne et démocratique. Elle est conduite par le maire sortant, André Grégoire qui, malade, a annoncé avant l’élection qu’il abandonnerait son fauteuil de maire. Marcel Dufriche lui succède dès le lendemain de l’élection. Une décision - dont on paie les conséquences aujourd’hui - est prise dès le début : augmenter de 6 à 9 le nombre des adjoints. Une place sera pour Georges Verry (la première fois qu’il y a un adjoint socialiste), une autre pour un “sans parti” (responsable FCPE) et la troisième pour un jeune et déjà apparatchik, Jean-Pierre Brard, qui est chargé (entre autres) de la culture et de communication. Il est le seul élu de 1971 encore en place.

En mars 1977, Il y a toujours seulement deux listes. La liste “Union de la gauche pour une gestion sociale, humaine et démocratique” l’emporte dès le premier tour avec 66%, contre la liste de droite, baptisée “Montreuil liberté”. Le PC est toujours majoritaire à lui tout seul, mais, pour la première fois, la liste est présentée comme une liste commune PC-PS-MRG. Dufriche continue comme maire. Brard devient premier adjoint, chargé de l’urbanisme, de l’information et de la concertation. Il est le seul élu de 1977 encore en place.

Les années 1970

Elles sont marquées par d’innombrables grands travaux, dont certains ont été engagés avant, mais débouchent dans cette décennie : le centre commercial de la croix de Chavaux, le conservatoire, de nombreux groupes de logements, le Bel Air, l’hypercentre avec ses tours et son PIR (Parking d’Intérêt Régional), Mozinor, etc. C’est en 1973 que l’autoroute B86 achève de couper Montreuil en deux. La rue des Néfliers, la rue Saint-Antoine sont coupées. Les années 1980 verront la volonté de continuer ces grands travaux, la démesure en plus, avec la crise financière qui en résultera plus tard. Dès avant les municipales de 1983, sous la responsabilité de Brard, un journal spécial “projets” est publié pour vanter les grands projets sur le Bas Montreuil, cible suivante des aménageurs. J’y reviendrai.

C’est aussi la montée du chômage, les luttes pour l’emploi (Dufour, Grandin, Darboy...) : un comité de défense de l’emploi est mis en place, et des conseils municipaux extraordinaires organisés pour donner la parole aux syndicats. Les interventions des élus pour la défense des murs-à-pêches sont permanentes..., cela paraît vraiment une autre époque. Un plan “10 ans, 10 crèches” est adopté par le conseil municipal en avril 1978, cela semble très loin aussi. Concernant l’immigration et les foyers de travailleurs migrants, la municipalité de Montreuil ne se distingue en rien de la stigmatisation alors en cours de la part du PCF. J’y reviendrai.

Une expérimentation démocratique

C’est certainement le volet le plus original de cette période.

Les conseils municipaux sont fréquemment décentralisés dans les quartiers, et organisés pour permettre le dialogue avec les habitants. Les discussions sont reproduites dans le journal municipal. On est très loin de la caricature actuelle, où ils sont devenus des vrais pensums avec le jeu des questions-réponses.

Les “conférences du maire” sont initiées en janvier 1979. Un “comité de quartier” est constitué en 1971 au Bel Air.

Le conseil municipal travaille aussi différemment. Il y a 7 commissions (4 aujourd’hui), qui étudient les projets municipaux, se réunissent plus fréquemment que les conseils, sans se contenter de valider des délibérations bloquées quelques jours avant le conseil.

Depuis 1969, une “commission consultative locale” débat de l’ensemble des questions pour vérifier l’exécution du “contrat communal”. Celle de décembre 1971 a été préparée par 7 sous-commissions. Des “assises communales de la vie quotidienne” sont réunies à l’automne 1975.

Après 1977, le journal municipal s’ouvre aux mouvements sociaux (l’écologie, les femmes). Le conseil municipal vote même un vœu contre la construction de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine en mai 1977.

Il y a bien sûr des limites : le PC est hégémonique, la Voix de l’Est est le vrai journal municipal, la confusion des rôles est permanente entre le PC et la municipalité. Le pluralisme n’est pas vraiment là. Pour les campagnes électorales, le journal municipal est embrigadé par la municipalité pour vanter son bilan. Quand le PSU intervient en 1971, il se fait épingler par la Voix de l’Est, qui explique que “le seul ennemi du PSU, ce n’est pas le pouvoir, ce sont les communistes”. On dirait Brard parlant des élus MVO aujourd’hui.

Au final, on a l’impression que le maire actuel a gardé la forme des expérimentations des années 1970, et les a vidées de leur contenu. Il les répète jusqu’à la caricature. Une quasi monarchie a remplacé l’hégémonie d’un parti.

1983-1984

En mars 1983, la liste d’union de la gauche, conduite par Dufriche est une nouvelle fois élue dès le premier tour, mais avec 54% des suffrages exprimés seulement. Le PSU a rejoint l’union de la gauche, et obtient un adjoint. Il faut dire que, deux ans après l’élection de Mitterrand, la gauche subit un échec spectaculaire dans tout le pays : elle perd 31 villes de plus de 30 000 habitants. La demi-proportionnelle est introduite cette année-là, et la droite (“Montreuil avenir - union de l’opposition”) obtient 11 élus avec 43% des voix. Une troisième liste, le PCI (les trotsko-lambertistes aujourd’hui connus sous le sigle PT) a fait 3%, sans élus. Brard est encore premier adjoint, chargé en plus des finances. Il est le seul élu de 1983 encore en place.

Le 18 mars 1984, Brard est élu maire à la place de Dufriche, qui se retire en désignant son successeur. La date n’est évidemment pas choisie par hasard, c’est déjà une opération de com’ où le nouveau maire excelle : c’est l’anniversaire de la commune. Cela le conduira à insister souvent (encore récemment) dans des interviews sur l’émotion suscitée par cette coïncidence...

Pourquoi cette succession en 1984 ? Dufriche a-t-il vraiment démissionné véritablement ? Divers interlocuteurs, témoins de cette époque, donnent des interprétations opposées : succession prévue à l’avance (bien que non annoncée, au contraire du passage de Grégoire à Dufriche en 1971), ou bien coup de force des tenants de la ligne dure du PCF contre la trop grande ouverture de Dufriche ? On peut faire l’hypothèse que la vérité participe des deux. Il semble bien que Dufriche ait prévenu ses partenaires de l’union de la gauche de son désir de passer la main à mi-mandat, en 1986. mais il semble bien aussi que les difficultés du PCF l’ait conduit à précipiter ce remplacement, au profit de quelqu’un perçu comme plus solidement orthodoxe. Le repli électoral de la gauche conduit à une fermeture du PCF. Les ministres communistes refuseront de participer au nouveau gouvernement de gauche en juillet 1984. L’affolement du PC montreuillois semble fondé a posteriori : lors de la cantonale du Bas Montreuil en 1985, la droite présente Alain Robert, un ancien d’extrême-droite, arrivé quelques semaines avant à Montreuil, qui prend le siège de conseiller général au PC. Quant à savoir si ce premier recul du PCF est dû à une fermeture (la ligne Marchais-Brard) ou un excès d’ouverture (Dufriche), c’est selon l’inclination des analystes...

A suivre...

Patrick Petitjean

Sources : - Le journal municipal ; il est irrégulier, mais devient progressivement mensuel. C’est un supplément à la Voix de l’Est jusqu’en février 1975, Brard devenant directeur de publication, avec une association éditrice “Vivre à Montreuil”. - La Voix de l’Est, hebdomadaire du PCF pour Montreuil et les communes avoisinantes.


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