L’histoire mouvementée du Méliès


Le 20 octobre 1971, la Voix de l’Est, hebdomadaire du PCF pour Montreuil, titre “Soirée très parisienne pour l’inauguration des 3 salles du Méliès, le plus important complexe cinématographique de la région”. Il y a 36 ans. Jean-Pierre Brard était déjà maire adjoint... à la culture justement. L’inauguration a lieu le 14 octobre, en présence de Simone Signoret, Roland Leroy, et beaucoup d’autres. Le cinéma avait été construit dans le cadre de l’opération “Croix de Chavaux”.

15 ans après, rien ne va plus. UGC estime que le Méliès n’est plus rentable. La ville rachète et rénove le Méliès pour sauver un cinéma de proximité. Elle en confie l’exploitation à une association factice, comme cela se fait souvent pour les activités culturelles dans la plupart des villes. En 1987, Jean-Pierre Brard est maire de Montreuil depuis trois ans.

1997-2001, la renaissance du Méliès

10 ans plus tard, en 1995-96, le Méliès est au bord de la fermeture. La fréquentation est tombée à 126 500 spectateurs en 1996, dont près de 20 000 entrées gratuites. Le directeur des affaires culturelles est aussi directeur du cinéma, et la qualité de la programmation s’en ressent. Les films d’art et essai n’attirent que 23% des spectateurs. La programmation de films hollywoodiens ne permet pas d’enrayer la chute. La subvention d’exploitation baisse régulièrement.

En 1997, la municipalité décide de redresser le cinéma, sur le modèle des salles associatives Utopia, en occupant le créneau art et essai plutôt que de concurrencer les multiplexes sur leur propre terrain. De factice, l’Association Montreuilloise de Cinéma (AMC) devient une véritable association, avec des adhérents, une nouvelle équipe, autonome, chargée de mettre en œuvre la mission de service public du cinéma.

Mission remplie. Dès 1998 la fréquentation repart vers le haut. L’AMC a des centaines d’adhérents, et les animations redonnent une image positive au Méliès, qui retrouve ses labels art et essai. La subvention municipale continue à baisser.

1999-2001, la ville veut un multiplexe

Fin 1998, la rumeur se répandent sur l’arrivée d’un multiplexe. Les Verts posent une question orale lors du conseil municipal de janvier 1999. La municipalité confirme son projet de 12 salles dans la ZAC Valmy, exploitées par CGR. Le vote officiel pour le multiplexe a lieu le 27 mai 1999. Tout en réaffirmant son soutien au Méliès, la municipalité en défend la complémentarité avec un multiplexe, et justifie son projet par les ressources de la TP qui permettront de financer la politique culturelle de la ville. Quelques élus y ajoutent la critique de l’élitisme supposé de la programmation du Méliès et le besoin de films populaires, pas en V.O., pour attirer les jeunes.

Des centaines d’habitants, les cinéastes, se mobilisent pour faire échouer le projet. L’AMC se mobilise aussi : défendre le cinéma de qualité fait partie de sa mission définie par la ville. Le maire ne lui pardonnera jamais : une association peut être autonome, mais pas trop.

2001-2002, le retour en régie directe

L’AMC programme pour juin 2001 un festival de films palestiniens. Le maire décide de censurer ce festival, et demande à l’AMC de l’annuler. Refus de cette ingérence dans la programmation. Le maire menace de l’interdire pour risque de troubles à l’ordre public. L’AMC finit par s’incliner. Pétitions et manifestations ont contesté cette censure.

Après l’affaire du multiplexe, c’en était trop pour le maire, qui dénonce fin juin 2001 la convention liant la ville et l’AMC pour reprendre le Méliès en régie directe à partir de janvier 2002. Manifestations et pétitions (5000 signatures) se succèdent pour le maintien de la gestion associative du Méliès. Le réseau Cinémas 93 appuie cette demande. Le conseil municipal du 6 novembre est envahi pour forcer le maire à un débat public. Rien n’y fera.

Mais la mobilisation de centaines d’habitants attachés à leur cinéma, et le travail de redressement fait en 4 ans par l’AMC, ont obligé le maire à changer sa politique : abandon des projets de multiplexes, retour à la hausse des subventions municipales, respect de l’indépendance de la programmation, refus de la démagogie “anti-élites” de certains élus. Le Méliès est resté une grande réussite, contrairement aux craintes soulevées par l’attitude du maire en 2001.

Le projet actuel de transfert / extension face à la mairie marque le retour de la subordination d’un projet culturel au “tout TP” : il s’agit avant tout de remplir un futur centre commercial qui restait désespéramment vide. Il y a place, il y a besoin, de nouvelles salles de qualité et de proximité à Montreuil. Mais pourquoi ne pas chercher à les implanter dans le haut Montreuil, délaissé une fois de plus pour le centre ville ?

Patrick Petitjean


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