accueil   présentation   rechercher   s'enregistrer   liens        

 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  N° 94 octobre 2007

Ecrire au poivron

RUBRIQUES:


AGENDA / EN BREF:

_____________________

Site réalisé avec SPIP

        Un livre édité par le Musée de l’histoire vivante

        Les Longs Quartiers à Montreuil

        Le quartier de l’usine “Tranchage et Déroulage”, devenue l’Arborial, immeuble de bureaux pour des services du ministère de l’Agriculture, vient de faire l’objet d’un ouvrage métissé. Arlette Auduc a autorisé le Poivron à publier des extraits de sa préface, où elle présente la saveur de ce livre. Qu’elle en soit remerciée

    L’ouvrage qu’on va lire est un objet étrange. En apparence, rien que de très normal : le Musée d’histoire vivante présente un livre consacré à l’histoire d’un quartier de Montreuil : l’îlot des Longs Quartiers. (...)

    Un livre d’histoire...

    En premier lieu, un livre d’histoire. Celle des Longs Quartiers. Un livre savant, élaboré à partir d’archives publiques et privées, certaines inédites, avec une mise au point bibliographique, un ouvrage scientifique qui apporte des informations précieuses sur l’évolution de ce quartier, le plus densément industrialisé de la ville. (...) Plus d’un siècle d’industrie (avec) les traces toujours vivantes qu’elle a laissée dans l’imaginaire montreuillois, où l’usine de la société Tranchage et Déroulage tient une place emblématique. Autre dimension exemplaire : celle de la désindustrialisation, sa rapidité, sa radicalité. Sur l’emplacement des ateliers et des usines sont venus des bureaux et des administrations ; des destructions, des reconstructions ont créé un nouveau quartier en quelques années. L’heure était venue de faire place à l’histoire, de donner à ce nouveau quartier son épaisseur historique, d’étudier ses fondations, de lui restituer sa généalogie telle que les documents permettent de l’écrire...

    Sauf que non ... La froideur de l’historien, son objectivité, celle du scientifique qui analyse, découpe, examine, reconstruit, était sans doute nécessaire, mais pas suffisante (encore une fois, j’essaie d’imaginer la réflexion des promoteurs de l’ouvrage) pour restituer une histoire si proche, si sensible. Il fallait autre chose.

    Un beau livre...

    On a donc fait un beau livre. L’iconographie est abondante, variée, originale. Le musée d’histoire vivante nous donne à voir une partie d’une collection remarquable. Cartes postales anciennes, photographies dont de superbes photographies aériennes, catalogues d’entreprises et même photogrammes extraits de films réalisés par le musée donnent à voir le passé de ce quartier. L’enjeu était de le faire revivre. D’où l’ouvrage à plusieurs mains, la réunion de ces auteurs qui sont certes des chercheurs mais qui sont surtout, chacun à leur manière, des passionnés qui entretiennent avec leur objet de recherche des rapports affectifs qui n’empêchent pas la rigueur intellectuelle et l’analyse méthodique. (...)

    Des fictions...

    Le projet aurait pu s’arrêter là, il aurait abouti à un bon livre d’histoire urbaine. Pour autant, un manque aurait subsisté. Comment rendre, en effet, l’ambiance d’un monde disparu ? son atmosphère, ses couleurs, ses odeurs, ses bruits ? les conversations, les occupations, les loisirs des habitants du quartiers ? la petite musique d’une époque ? Seule la fiction peut reconstituer tout ce qui ne relève pas de l’histoire mais de la vie quotidienne de ce Montreuil ouvrier, populaire, de ces gens sans histoire qui font notre histoire. Et ce fut la belle idée de faire appel à trois écrivains qui donnent leur propre vision des lieux, leur propre version des faits.

    En écho aux exposés savants sur l’évolution industrielle du quartier et de ceux qui y vivaient et y travaillaient, trois nouvelles nous sont offertes, au ton étrangement semblable, qui passent du Montreuil de la fin des années vingt à celui d’aujourd’hui. Les textes de Mouloud Akkouche, Didier Daeninckx, Dominique Bonafini, nous décrivent par delà les années, un quartier sans histoire, peuplé de gens sans histoire ... si ce n’est des histoires d’amour, d’amitié, de travail, de solidarités. (...)

    Un livre de passerelles

    Ce sont ces allers-retours entre l’histoire et le roman, le passé et le présent, la mémoire et le futur qui font la saveur de cet ouvrage. Le miracle tient au fait que les uns ne cèdent rien aux autres. Les historiens font œuvre d’histoire, les romanciers nous livrent de belles nouvelles. Rien n’est fait à l’économie. Des ponts sont construits entre hier et aujourd’hui qui nous rendent l’épaisseur de la mémoire d’un quartier, de ses vies successives, de ses destructions multiples, de ses renaissances réussies. Cette profonde humanité qui nous est restituée ici est peut-être la réponse à notre question d’origine : qu’est-ce qui crée cet attachement à ce bout de territoire, point commun de tous ceux qui écrivent ici ? Au seuil d’une nouvelle métamorphose, on voudrait espérer en la pérennité de ce lien, croire au respect de cette mémoire. La destruction du quartier peut inquiéter, il fallait lui redonner sa mémoire. C’est chose faite. (...)

    Arlette Auduc

    Gérard Lefèvre et Robert Chanvin (eds) : "Du marteau à l’ordinateur. Les Longs Quartiers, un ilôt à Montreuil". Préfaces d’Arlette Auduc et Gilbert Schoon. Histoires urbaines de Noëlle Gérôme et Jérôme Decoux. Nouvelles de Mouloud Akkouche, Dominique Bonafini et Didier Daeninckx. Illustrations de Mako. Documentation de Soizic Hirel. Édité par : le Musée de l’histoire vivante / Valette éditions / SPIE Batignolles immobilier. 15 euros. En vente à la librairie Folies d’encre.


    IMPRIMER