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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  N° 91 Mai 2007

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        Une élue “Les Verts-mvo” dans une mission municipale au mali

        Voyage à Yélimané (2)

        Catherine Pilon poursuit ici le récit de sa mission d’études du programme paddy “in vivo”, dans le cercle de Yelimané. Le paddy gagne à être décortiqué...

    Le programme paddy porte le nom d’une espèce de riz. Et selon J-J Joucla, c’est le fruit du hasard. Je ne le crois pas du tout ! Le problème, quand on s’attaque à cette question comme à n’importe quel sujet avec cette ville, c’est l’opacité. Les documents promis n’arrivent jamais. Les documents budgétaires se contredisent, ou opèrent des regroupements qui empêchent toute comparaison. Cela induit une attitude de méfiance qui, si on n’y prend garde, empêche de voir le reste. Ce que j’ai pu voir là-bas dépasse largement le cadre des relations entre Montreuil et cette région du Mali. D’ailleurs, lors de la première journée à Bamako, nous avons été reçus successivement par trois ministres et le Premier Ministre et sommes passés au journal télévisé !

    Donc le programme paddy n’est pas un programme de ré-introduction de riz à Yélimané, enfin pas seulement. C’est un programme de 11 millions d’euros sur 5 ans, à dominante agricole (en coopération avec le Vietnam), qui vise l’autosuffisance alimentaire, et comporte également un programme d’adduction d’eau potable (avec Véolia et le Sedif), un programme de sensibilisation des habitants sur les déchets (avec les Brésiliens de Diadema) et un renforcement de l’intercommunalité (si seulement les élus de yélimané pouvaient aider ceux de Montreuil à s’y lancer !). Son ambition affichée, c’est d’offrir une alternative à la migration (2/3 des 100 000 migrants du Mali en France viennent de la région de Kayes). Est-ce que cette dominante agricole et la volonté d’intensification se justifient, alors qu’il y a peu de main d’œuvre sur place, et que les jeunes interrogés rêvent d’autre métiers ? Alors que l’énergie solaire est très peu développée, à défaut de techniciens qualifiés pour l’entretien des panneaux ? Alors que les télécommunications restent à améliorer, notamment pour faciliter les transferts d’argent sans intermédiaires ? La mission n’a pas répondu à ces questions.

    En allant là-bas, j’ai appris que le paddy était une goutte d’eau, dans un océan de programmes de co-développement, menés par des collectivités territoriales, des ONG, sans coordination. Mais est-ce qu’il est légitime que Montreuil se positionne comme fédérateur et "marieur internationaliste" ? De toute évidence, le gouvernement malien ne prend pas suffisamment sa place de coordination. Et Montreuil attribue au paddy (et d’une certaine façon s’attribue) toute une série d’actions qui sont financées par d’autres dispositifs. Le paddy m’a fait penser à ce vieux jeu électronique du "pac-man", une petite bête qui avale tout ce qu’elle rencontre sur son passage. Cette impression se confirme avec l’Afak, l’association qui a vocation à collecter les fonds de tous les partenaires, pour les reverser à l’Addy, l’agence qui gère le paddy sur place, que Montreuil finance (500 000 euros) et qui était présidée par... J-P Brard (ils viennent d’élire un nouveau président, un membre du conseil d’administration de l’hôpital André Grégoire).

    A Yélimané, j’ai vu un J-J Joucla rayonnant, car les villages nous accueillent chaleureusement et remercient la ville pour son appui, qui dure depuis 20 ans. Et Montreuil qui marie les peuples, c’est joli, cela crée des situations humaines magiques, l’agriculteur malien avec son chapeau vietnamien, les experts vietnamiens accroupis, inspectant les plants de tomates avec les agricultrices, les Brésiliens qui arrivent avec leurs techniques de ramassage des ordures dans les bidonvilles de Diadema, le chargé de mission de la ville de Montreuil qui vit à la maison de l’amitié de Yélimané et qui apprend le bambara et le soninké. On ne peut qu’être ému, car on sent qu’il y a là de vrais échanges, et l’envie me prend de chanter l’Internationale. Tout cela est très "cinématographique" et une équipe de cinéastes montreuillois ne s’y est pas trompée, qui est venue sur place quelques semaines pour filmer l’aventure humaine du paddy. J’ai hâte de voir leur film. Montreuil ne se contente pas de marier les peuples, elle marie aussi le public et le privé en invitant Véolia et le Sedif (dont le maire est vice président) à la table du paddy, pour réaliser des adductions en eau potable. Sans préjuger de captation de marchés, évidemment.

    A Yélimané, j’ai rencontré des femmes et des enfants qui vivent loin de leurs maris et de leurs pères et qui ne savent pas à quel point les conditions de vie sont difficiles pour eux. Et des migrants qui les taisent et qui continuent à financer des écoles, des centres de santé, des coopératives agricoles, des mosquées et qui de surcroît sont fortement mis à contribution par le paddy (150 000 euros soit 150 euros par migrant). Ces migrants dont le rôle ici, à Montreuil, me semble peu pris en compte, et qui n’ont pas trouvé, à qui l’on a pas laissé, pour l’instant, une place de citoyen.

    Catherine Pilon


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