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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 1998 >  N° 2 Janvier 1998

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        Nouveau départ pour le Méliès ?

        En octobre dernier, le cinéma Méliès célébrait le dixième anniversaire de son rachat par la ville. En même temps, une nouvelle orientation de la programmation se mettait en œuvre.

    Celle-ci fait la part belle aux films de qualité (notamment aux films d’art et essai) et se veut plus « militante » pour défendre le cinéma indépendant contre les grandes machines commerciales. Elle s’appuie sur l’ouverture de l’Association montreuilloise de cinéma (AMC), qui gère les salles, à tous les spectateurs pour les faire participer à ce combat.

    C’est au printemps 1997 que, à l’initiative du maire, cette réorientation a été décidée. Elle était rendue inévitable par la situation du Méliès, en voie de dégradation rapide.

    Jusqu’en 1993, le nombre de spectateurs était en hausse, dans une conjoncture nationale morose. Par contre, en deux paliers (1994 et 1996), la fréquentation tombait à 126 500 spectateurs en 1996, alors que la conjoncture nationale était meilleure. Sur ce nombre, il y avait 19 200 entrées gratuites, un record. Les 11 000 spectateurs manquants de 1996 ne pouvaient que faire des émules avec l’ouverture du multiplexe de Rosny-sous-Bois en janvier 1997, ce que confirmaient les premiers chiffres de 1997. Cette baisse n’était pas enrayée par le recours accru à la présentation de films américains. Compte tenu des orientations de la programmation, les films d’art et essai n’ont attiré en 1996 que 23 % des spectateurs. Le Méliès semblait glisser inexorablement vers sa fermeture. La proximité et le bas prix des places étaient insuffisants pour lui permettre de concurrencer les multiplexes qui offrent un confort de projection et de nombreux commerces annexes hors de portée d’un cinéma de quartier.

    Une fermeture inexorable

    La municipalité a rejeté en 1996 une proposition de la Gaumont d’ouvrir un multiplexe à Montreuil, mais le problème reste posé (« si ce n’est à Montreuil, ce sera de toute façon ailleurs, alors pour la taxe professionnelle... »), et c’est une hypothèse qui a été notamment envisagée dans le cadre du projet « hypercentre » par les milieux professionnels.

    La ville, qui possède déjà les murs du cinéma, connaît de graves difficultés financières, ce qui conduit la subvention d’exploitation à baisser régulièrement depuis deux ans. Elle souhaitait donc pouvoir la diminuer encore. Si l’activité d’animation en direction des écoles - qui était la partie la plus positive de l’action du cinéma - justifie une subvention municipale, le reste de l’exploitation courante doit tendre à l’équilibre financier. Cela peut se faire, même avec des tarifs bas. Sous prétexte de vouloir s’adresser à tout public, la programmation s’était fourvoyée de plus en plus vers des films commerciaux, de mauvaise qualité. Le cinéma avait une très mauvaise image, et était complètement l’otage des sociétés de distributions de films.

    Une mauvaise image

    Le départ, au printemps 1997, du directeur du service culturel de la ville, qui cumulait son poste et le salaire de directeur du cinéma, a fourni l’occasion de la réorientation. Le maire a indiqué comme référence les salles Utopia, présentes en banlieue parisienne et en province : de structure associative, elles se consacrent aux films d’art et essai, sont financièrement équilibrées, résistent aux multiplexes, et ont une conception militante du cinéma. La référence a été reprise par l’AMC, sans en faire un modèle reproductible tel quel pour Montreuil.

    Alternative aux multiplexes

    Malgré les réserves d’une partie de la municipalité qui était satisfaite de la programmation passée, il a été décidé de prévenir les risques du « multiplexe » en réorientant la programmation vers les films de qualité et en version originale. En donnant une large place aux différentes formes de cinématographies qui résistent aux multinationales. Cela devait permettre de redonner une image forte et identitaire qui faisait défaut au cinéma, de regagner aussi du poids et du respect dans les milieux professionnels. Il s’agit de conserver les acquis du passé (l’action en direction des écoles, le partenariat avec les structures culturelles de la ville, les « événements cinématographiques » qui rythment l’année), tout en développant les relations avec les salles municipales et/ou associatives qui sont légion en banlieue, et en s’appuyant davantage sur les nombreux professionnels du cinéma habitants de Montreuil. Enfin, l’avenir passe également par une gestion plus rigoureuse et plus professionnelle.

    Défense du cinéma indépendant

    Mais un élément essentiel de la nouvelle orientation consiste à rendre au Méliès une fonction d’échanges, de discussions, de convivialité sur les enjeux du cinéma, en faisant participer les spectateurs à l’AMC. Le type de relation avec les spectateurs est aussi un élément identitaire fort d’un cinéma. Jusqu’à l’été 1997, l’association était volontairement « fermée », réduite à 12 adhérents, 4 élus et 8 cinéphiles cooptés. Elle est maintenant ouverte à l’adhésion de tous et toutes, pour une cotisation annuelle de 50 francs.

    Le public a suivi la nouvelle orientation : après une baisse le premier mois, la fréquentation est revenue à son niveau de l’an passé. Il reste à faire de l’AMC une association vivante, militant pour le cinéma. L’AMC organise donc à partir de janvier 1998 des rencontres mensuelles pour les adhérents, et plus largement avec les spectateurs intéressés. Elles auront lieu le 3e mardi de chaque mois, au bar associatif « Le Vendémiaire », situé à côté du cinéma. Ce n’est qu’un début, le combat (pour un cinéma de qualité) continue.

    Jean Caille


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