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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2001 >  N° 32 mai 2001

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        Méliés

        La Palestine censurée par le maire de Montreuil

        Le maire a décidé de censurer une semaine de films sur la Palestine qui devait se tenir du 30 mai au 5 juin au cinéma Méliès. Faute d’avoir obtenu que l’AMC prenne d’elle-même l’initiative de l’annulation, le maire a fait injonction à l’association de reporter sine die les projections, après avoir fait endosser la censure par l’ensemble de la municipalité (PC et PS inclus). Retour aux commissaires politiques, mépris de la culture, abandon de la solidarité avec le peuple palestinien : quelle mouche a donc piqué le maire ?

    Le risque d’incident a été mis en avant par le maire pour justifier cette interdiction. Il paraît que le Betar (groupe d’extrême-droite) avait fait des menaces. Méls et lettres anonymes étaient parvenus à la mairie. Une demande écrite de report existerait, émanant de la Fraternelle israélite de Montreuil. Il parait que la tension à Montreuil était à son comble, avec un grave incident antisémite récent (connu du seul maire). Mais de tout cela, il n’avait pas été fait état lors d’une réunion entre la municipalité, l’AMC et le commissariat : tout semblait calme, et la police ne demandait aucun report. Les derniers incidents réels concernaient Bagnolet... il y a 6 mois...

    Pourquoi cette censure ?

    Des initiatives culturelles équivalentes ont eu lieu, souvent à l’initative des Palestiniens, dans de nombreuses villes. Elles n’ont jamais donné lieu à incident. Mais parfois, des pressions ont été faites par des associations juives, ou directement par l’ambassade d’Israël, pour leur annulation. Sans succès. La liberté d’expression est d’ailleurs garantie en principe par les forces de l’ordre... et il est stupéfiant que le maire cède à ces pressions.

    Les difficultés électorales du député-maire sont-elles à l’origine de ce tournant ? Déjà, pour les Municipales, le maire avait essayé de mobiliser un "vote juif" contre les écologistes. A un an des Législatives, le député semble avoir la même tentation, avec une surprenante approche communautaire et non politique : la communauté juive de Montreuil est politiquement diversifiée, avec de fortes traditions de gauche, voire d’extrême-gauche. Parler de "vote juif" y a encore moins de sens qu’ailleurs.

    Les films remplacés par des débats ?

    Censeur, mais se voulant champion de la paix, le maire annonce la tenue d’une semaine de débats israélo-palestiniens "équilibrés". Qui peut être contre un dialogue politique israélo-palestienien.

    Mais quel rapport avec une semaine de films ? Le développement de la culture palestienne est un moment important de l’émergence d’une identité nationale, dans une communauté marquée par l’exil et les réfugiés. Faire connaître cette culture est un moyen de manifester sa solidarité, mais une initiative culturelle a une valeur en soi, et n’est pas une instrumentalisation politique de la culture. Au contraire, on méprise la culture en voulant substituer des débats purement politiques à une projection de films.

    Faut-il par ailleurs renvoyer dos-à-dos Israéliens et Palestiniens ? Occupation, extension de la colonisation et riposte disproportionnée de l’armée israélienne : ce sont les termes de l’ONU, des USA, de l’Union européenne. Depuis quand une municipalité de gauche est-elle plus à droite que la communauté internationale ?

    Pour le maire, une initiative culturelle sur la Palestine devait nécessairement déboucher sur des incidents antisémites, voire (déclaration à FR3) constituait en soi une manifestation antisémite : il s’agit bien d’une censure politique contre la Palestine, et non d’un problème de sécurité. La tradition de la gauche montreuilloise était de se tenir aux côtés d’un peuple en lutte pour ses droits, sans pour autant se sentir obligé de soutenir tous ses moyens de lutte.

    Pour une reprogrammation rapide

    On ne peut accepter que la municipalité exige de donner son imprimatur pour la programmation des associations culturelles auxquelles elle délègue la gestion de salles : cela vaut autant pour l’AMC que la Maison populaire ou La Pêche. Le temps des commissaires politiques est révolu, et le bilan se fait a posteriori. Le maire avait exigé le report de la Semaine. Dans une lettre à l’AMC, rendue publique par Montreuil Pravda le 23 mai, il remercie cyniquement l’association d’avoir annulé l’initiative. Les membres du Conseil d’Administration (sauf les élus municipaux) lui ont renvoyé la balle, en rappelant que, opposés à l’annulation, ils n’avaient cédé que devant une injonction écrite de sa part, et qu’il s’agissait d’un report : l’AMC demande donc la reprogrammation rapide des films, d’autant plus que le maire tiendra en plus sa semaine de débats politiques. Réplique de J.-P. Brard (Le Parisien du 25/05) : l’AMC est "versatile et schizophrène". Ce qui ne trompe personne sur l’origine de l’annulation.

    Jean Caille


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