Vous êtes ici: Accueil > Sommaire des numéros parus > N° 88 février 2007 | |
RUBRIQUES: AGENDA /
EN BREF:
_____________________ Site réalisé avec SPIP |
Ce qu’ils attendaient du Forum Ce fut un événement historique : le plus important rassemblement de la société civile africaine depuis les indépendances. Le forum social mondial (FSM) de Nairobi, premier en terre africaine, attendu depuis des années sur ce continent de missions s’il en est (au sens religieux comme au figuré altermondialiste), a drainé des forces citoyennes de tous ses recoins. Zambiens, Sahraouis, Congolais, Éthiopiens, Burundais, Soudanais, etc. Peut-être pas de Libériens. Des Kenyans, bien sûr. Enfin, pas si bien sûr que ça, au départ : le droit d’entrée (500 shillings, 4,5 euros), l’équivalent d’une semaine de nourriture pour une famille pauvre (et elles sont majoritaires), valait exclusion d’office à des cohortes. L’affaire provoqua du tirage, certains Européens attendaient peut-être de ce FSM que par simple application, il guérisse l’Afrique de ses pestes. Le comité d’organisation kenyan, empêtré dans son budget, céda, tout comme la grille du stade Kasarani, lieu des débats, sous la poussée et la rouille. Entrée gratuite ! Finalement, jamais forum ne fut plus ouvert qu’à Nairobi, accueillant la bigarrure du monde. Les vols à la tire ont bondi. Faut savoir ce qu’on veut. C’est à Embu - 250 km de Nairobi -, que Justin, honnête commerçant, entend au flash radio de 19h que des milliers d’étrangers sont réunis dans la capitale pour débattre des affaire du monde. L’aubaine : Justin est photographe ambulant. En novembre dernier, il a vendu sa vache 20 000 shillings pour acheter un petit appareil numérique. Avec Joseph et Ignatius, une vingtaine d’années, ils ont créé une micro « joint venture » : « Mount Kenya Studio ». Ignatius est responsable du marketing. Joseph, propriétaire de l’imprimante photo, est naturellement responsable de l’impression. À Embu, les affaires ne décollent pas. Le lendemain à 4h du matin, le trio grimpe dans le premier bus pour Nairobi. À 8h, ils sont à pied d’œuvre à Kasarani. Pas pour longtemps : la police, qui surveille quand même les entrants gratuits, trouve à Joseph et Ignatius des poux dans la tête. L’arbitraire suffisant, ils passeront quatre heures au commissariat du stade. 16h, le « Mount Kenya Studio » rouvre enfin ses « portes ». Une simple toile de fond bucolique, genre « montagnes suisses » international mais avec le Mont Kenya. Ignatius peine à convaincre la gentry altermondialiste que le souvenir est impérissable. Et surtout, « on n’imaginait pas que tous possédaient un appareil numérique... », avoue Justin. Cinq clients dans la journée, le fiasco. Le MKS est dans le doute. « Nous allons faire les comptes... », avise Justin en décisionnaire. Je leur prodigue des encouragements : le kitch fait un tabac en Europe. Le capital-risqueur est d’un naturel accrocheur : le lendemain, le MKS est toujours là. À la fin de la journée, Justin a le sourire. Des clients, et les contacts téléphoniques qu’il leur a soutiré. Les retombées d’un forum sont incalculables. Rendez-vous dans trois ans. Patrick Piro |