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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2006 >  N° 85 novembre 2006

Ecrire au poivron

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        La vie comme j’te pousse

        Ma prochaine bagnole

        De Poivron en Poivron, ça fait un an que je retarde cette confidence. Me voilà mûr.

    Je suis en train de virer vieux con, me dis-je ces derniers temps sur le chemin de l’école. Non pas au contact des classes d’âge que j’y cornaque, c’est plutôt vivifiant. Mais à cause des bagnoles. S’il y en a qui me lisent, riverains de la rue des Hanots ou de l’Aqueduc, c’est moi, furibard, qui replie les rétroviseurs de vos caisses garées à cheval sur le trottoir. D’abord, ils sont à hauteur de pommette d’enfant, mais j’ai surtout les grosses glandes à chaque fois qu’il faut les contourner par l’asphalte, vos objets du culte. Et que je sais qu’à cette heure-ci, d’autres consœurs déboulent fébriles dans le virage - vite, on va être à la bourre pour déposer Julien à l’école, puis coincé sur le périph’, et la gueule du patron. Parfois, c’est juste pour déposer Julien, 300 mètres à pinces, ça use les souliers.

    Excédé, j’appelle un jour le commissariat, rapport à une camionnette qui obstrue le passage de manière indécente depuis trois semaines. « Danger pour les enfants, trafic matinal, vous comprenez... » Le numéro d’immatriculation, ils veulent. Je leur donne. « Vérification faite, monsieur, le véhicule n’est pas volé, pas de problème. »

    Je dis que je vire vieux con, parce qu’avec l’adrénaline, je me vois déjà comme ces comiques de rue qui pilent au milieu du carrefour pour se mettre sur la gueule à cause d’un pare-choc effleuré ou une priorité grillée : je redoute d’en venir aux mains s’il y en a un qui trouve à argumenter qu’il est libre de faire ce qu’il veut (on est en démocratie). Et en plus devant les enfants.

    Juste une histoire de trottoir, ça suffirait à ma rogne (cela dit, chers riverains de la rue des Hanots ou de l’Aqueduc, ça va un peu mieux, en ce début d’année). Mais c’est aussi tout le reste, bien sûr, les abonnés du quatre cylindres pour aller acheter Libé, les concours de saute-ligne jaune et culbute-vélo, les 4x4 haut incivisme... Je ne vous fais pas un dessin, on est dans un canard écolo.

    Alors je réfléchis.

    Où est le piège ? Je ne suis pas assez zen ? J’ai qu’à partir sur une île ? Où plutôt brûler tout ça la nuit, ça défoule mieux ?

    Ça ne me plaît que moyennement.

    D’abord en parler autour de moi, c’est ce que conseillent les psys. J’ai commencé à livrer mes états d’âme, sur le chemin de l’école. Petite catharsis : je ne suis pas seul, des mamans et des papas aussi ont les nerfs à vifs. Et puis l’introspection m’a livré un bel os à ronger : moi aussi, j’ai une bagnole - « T’as qu’à commencer par toi-même ! » Bon, j’en abuse vraiment pas. J’ai eu aimé « tracer la route » - « Chiche ! On prend la caisse, ce soir on dort à la belle à Étretat ! » J’aime plus. Mais voilà, c’est insuffisant. Alors je peux bien l’avouer : j’ai pris ma décision, ma prochaine bagnole, ça sera « pas de bagnole ».

    Patrick Piro

    Eh, on fait comment, sans ? J’en ai un peu causé avec Jean-Luc et Jean-Jacques, mais je suis preneur de toutes les bonnes idées. Merci d’écrire à patrickpiro@globevision.org


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