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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2006 >  N° 85 novembre 2006

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        Une tribune de Dominique Voynet

        Réinventer un projet de société

        Le 93... objet de tous les fantasmes et de tous les discours stigmatisants...Comme si ce qui s’y passe ne disait pas d’abord la complexité d’un monde qui change et qu’on ne peut plus lire avec les grilles traditionnelles.

    Un an après la crise des banlieues, la situation reste toujours aussi difficile : les aides aux associations, si elles ont été rattrapées ponctuellement, n’ont pas retrouvé le niveau de 2002. Un tiers des subventions de Plans Locaux d’Insertion par l’Economique ne sera pas versé cette année. Les collèges “ambition réussite” sont loin de répondre aux besoins en matière d’éducation. Loin du discours répressif du ministre de l’Intérieur, la mission sénatoriale sur les quartiers en difficulté reconnaît l’intérêt de la police de proximité, mais de nombreux postes restent vacants dans ce “département de début de carrière”, où la méconnaissance du terrain et le manque d’expérience expliquent bien des dérapages.

    Il n’y a toujours pas plus de dix lits d’accueil pour les adolescents en crise. La violence contre les femmes explose et l’Etat n’a tenu aucune de ses promesses en la matière. Le conseil régional n’a toujours pas confirmé son engagement en faveur du tramway pour desservir Clichy sous bois, emblème de la relégation urbaine. Et la liste est encore bien longue des décalages entre les discours et les actes dans notre département.

    Mais on ne répondra pas à la crise des banlieues par un jeu de mesures techniques même pertinentes et certes nécessaires... Pour comprendre ce qui se passe ici, il faut non seulement faire preuve de sympathie avec les gens mais aussi mobiliser autre chose que les analyses traditionnelles.

    La Seine-Saint-Denis est confrontée en direct à la plupart des grands défis économiques, sociaux, démographiques, urbanistiques et par conséquent écologiques, de la planète et c’est sur ce terrain qu’il faut répondre.

    Nous barricader ou nous ouvrir intelligemment ?

    Allons-nous inventer ensemble, avec des populations qui ont des histoires différentes, un nouveau modèle républicain, partagé, laïc et démocratique ?

    Allons-nous remettre en cause la carte scolaire au prétexte de ses faiblesses ou réexaminer enfin le découpage académique en Ile de France, qui est en lui-même une incitation à la ségrégation spatiale ?

    Allons-nous installer des activités économiques écologiquement durables, des éco-parcs et des écopôles comme ceux qui sont en projet à Bobigny et à Pantin ou continuer à miter l’espace par des centaines d’hectares d’entrepôts et de hangars à camions, comme à Aulnay ou à Villepinte ?

    Allons-nous réduire la production de déchets à la source, trier et valoriser en proximité comme à Sevran, et récupérer l’énergie des déchets comme c’est prévu à Romainville et au Blanc-Mesnil, ou allons nous continuer à faire de l’incinération à Saint-Ouen et de l’enfouissement de millions de tonnes à Claye-Souilly ?

    Ferons-nous revivre le commerce de proximité et l’artisanat en centre ville et dans les cités, là où le laxisme des autorités de l’Etat pousse à la multiplication du hard-discount et des hypermarchés ?

    Allons-nous comprendre que la résorption des inégalités, c’est bien sûr la feuille de paie et la hausse des minima sociaux, mais c’est aussi la construction de logements de qualité, la réduction de la facture de chauffage et du bruit par des logements mieux isolés ?

    Resterons-nous entassés dans les lignes de transport surchargées qui vont de la périphérie au centre de la capitale, ou réduirons nous les dépenses et les temps de déplacement par l’ouverture de lignes de bus en site propre, le tramway, ou le tram train qui est la première expérience de genre sur la ligne des Coquetiers ?

    Le défi à relever

    C’est de s’attaquer ici et maintenant à un modèle de développement parvenu à ses limites extrêmes qui se traduisent par la crise climatique et les inégalités environnementales qui sont parmi les pires formes d’inégalités sociales.

    Les surmonter, ça veut dire des transports collectifs, la fin du tout camion et du tout voiture, l’arrêt de la construction d’autoroutes, le développement massif des économies d’énergie et des énergies renouvelables, l’habitat écologique et social, la reconversion écologique de l’industrie, la réduction de la production de déchets, la réforme de la fiscalité.

    Et c’est cette approche-là, par sa dynamique et le renouveau qu’elle implique pour l’économie de notre pays qui créera les emplois, avec de nouvelles formations et de nouveaux métiers qui font sens que nous attendons tout particulièrement en Seine-Saint-Denis. Car on ne peut plus croire que c’est en appliquant toujours les mêmes vieilles recettes qu’on prépare vraiment l’avenir.

    Les propositions républicaines d’AC le Feu l’ont bien montré, loin du débat éculé entre prévention et répression, entre universalisme et communauté, et au-delà des catalogues de mesures palliatives, il s’agit de redonner confiance et de réinventer un projet de société à la définition duquel la jeunesse de nos quartiers participera pleinement.

    Dominique Voynet


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