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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2006 >  N° 84 octobre 2006

Ecrire au poivron

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        La vie comme j’te pousse

        Lula a trahi, donc je suis

        Paraîtrait que Lula a trahi.

    J’entends ça chez des amis de gauche, là-bas et ici. Le président du Brésil a fauté avec le grand capital. Lui qui bouffait du FMI à longueur de discours, quand il était jeune syndicaliste enflammé, fait des courbettes devant la finance internationale. Communiste à 18 ans, vieux con après la cinquantaine, c’est une loi organique bien connue chez ceux qui veulent changer le monde.

    Je les ai donc vu haranguer le harangueur blanchi à Porto Alegre, en 2005 - « traître », « menteur », « honte à toi » etc. J’en « reconnais » une partie : étudiants des fac de sciences politiques de São Paulo, proprets, incollables sur Marx et Gramsci, leur catéchisme de substitution. Les amis de leur ennemi le capital sont leurs ennemis. Autre catégorie : ceux qui pensent, inlassables discoureurs, que leur conviction suffira à changer le monde. Pas de compromis. J’en connais un qui m’a fait pouffer de rire un jour, balayant le réformisme de son mépris parce que lui, il est « révolutionnaire », en arpentant son très chic appartement du Quartier latin.

    Boutade éculée en démocratie : on reconnaît une promesse électorale au fait qu’elle n’engage que ceux qui y croient. Lula fait mieux : il aurait trahi ceux auxquels il n’a même pas fait de promesse. Au nom de l’espoir qu’il a fait naître, non pas chez ceux qui en ont le plus besoin, mais chez ceux auquel il sert de faire valoir : Lula a été commodément revêtu de la cotte de mailles du pourfendeur de nos contradictions. « Lula, qu’as-tu fait de mon idéal ? », s’interrogent ceux qui, par procuration, vivent à la recherche du prochain traître qui justifiera leur inaltérable point de vue sur le monde. Ouf, Lula a trahi, donc je suis.

    J’ai une tendresse particulière pour ce gars-là. Pas pour les magouilles ourdies par son principal soutien, le Parti de Travailleurs, pour défendre un pouvoir longtemps convoité, et dans lesquelles Lula aurait bien pu tremper. Dans cette démocratie brésilienne un peu baroque, il ne mérite qu’une demi pendaison. Pas pour son zèle à faire mieux à l’interro’ d’économie que les libéraux qui l’ont précédé. Mais parce que Lula, contrairement à nombre de ses amis détracteurs, en plus de savoir comme eux discourir, s’occupe d’abord du mode d’emploi, « pour changer ». Ex-ouvrier tourneur, la graisse sur les mains, et quelques saletés inhérentes, ne lui font pas peur. Qui, avant lui, est parvenu à faire reculer l’indigence et la malnutrition, dans ce pays aux scandaleuses inégalités ? Peu d’intellos du Quartier latin.

    Dimanche 1er octobre, des millions de Brésiliens du Nordeste tentaient leur « révolution », en validant sur l’urne électronique le bulletin « Lula », persuadés que le meilleur est encore à venir pour eux. Il leur faudra patienter jusqu’au second tout le 29 octobre, pour éviter une défaite de leur candidat, qui sonnerait comme la revanche du Brésil des nantis.

    Patrick Piro


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