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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2004 >  N° 57 janvier 2004

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        La chronique de Patrick Piro

        Ferry et les altermondialistes

        Luc Ferry, provisoire ministre de l’Éducation, qui s’exprime sur les altermondialistes (Le Monde du15 novembre) : on ne lui fera pas l’honneur de le considérer comme une référence en la matière, mais on est un peu voyeur, quand même ! Alors on lit.

    On connaît le peu d’affection qu’il porte à l’écologie en général, et l’on constate qu’il ne change pas de grille de lecture pour si peu : la « génération Porto Alegre » lui est un « magma » informe où grouillent de pathétiques combattants d’arrière-garde. « La haine de l’argent, du cosmopolitisme, l’amour de la terre ( !), l’antiaméricanisme forment parfois des conditions idéales pour qu’il y ait des dérapages », analyse l’intéressant philosophe. Mais la surprise est ailleurs. « Le problème est que les altermondialistes s’imaginent pouvoir désigner des responsables qui dirigeraient le cours du monde comme des marionnettistes alors qu’en réalité ce cours du monde est devenu un procès sans sujet ». Ça alors, il ne manque pas d’air le Ferry ! Voilà bien la première fois que l’on entend un zélateur du camp libéral nous susurrer aussi franchement qu’il n’y aurait plus de pilote dans le bateau ! On serait ainsi passé, en une décennie à peine - autant dire à la vitesse du çon -, d’un discours dominant nous assurant, après la chute du Mur, que le libéralisme allait apporter la prospérité pour tous - avec force capitaines d’industrie à la proue du navire, en plein culte de la personnalité -, à un mea culpa depuis, disons, le Forum social mondial de 2001, prononcé par l’amirauté économique au grand complet réunie à Davos, puis, déjà, à un sauve-qui-peut généralisé ! Procès sans sujet ! La planète, la démocratie, les sociétés sont gravement malades, et il ne s’agirait que d’un simple phénomène météorologique ? Ferry nous la fait lâche, mais on commence à avoir l’habitude.

    Tiens, il a pourtant dû tomber en arrêt comme nous sur la pub de la plage 11 du Monde, toujours, du 28 novembre : il y a de quoi alimenter son trou de mémoire sidéral. « Donnez-moi simplement la télécommande pour la planète » : citation d’un « des CIO les plus exigeants au monde ». On ne sait pas ce qu’est un CIO, mais on comprend qu’il s’agit d’une fonction stratégique de l’entreprise, un machin à l’acronyme anglo-saxon. Ce qui nous frappe, c’est l’imaginaire propagé par le type et les congénères rapaces de son espèce (c’est un mâle, comme d’hab’, il y a sa photo d’ailleurs, au regard pétri de certitudes) : il en faut toujours plus, il n’y en a jamais assez, le développement infini de l’entreprise et la conquête économique sont les aventures les plus exaltantes qui soient. Il n’aurait rien à dire à la barre, le CIO, pour répondre aux questions « parfois profondes et légitimes » que se posent les altermondialistes, comme le reconnaît quand même Ferry ?

    Patrick Piro


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