accueil   présentation   rechercher   s'enregistrer   liens        

 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2006 >  N° 81 mai 2006

Ecrire au poivron

RUBRIQUES:


AGENDA / EN BREF:

_____________________

Site réalisé avec SPIP

        La démocratie locale, elle va comment ? (2)

        Promenade en conseils

        

    Les conseils de quartiers sont souvent des "objets citoyens non identifiés", même s’ils figurent dans des textes officiels et ont fait depuis 10 ans l’objet d’innombrables études. Au-delà des discours (multiples, voire contradictoires) sur leur fonction politique, il est difficile d’en trouver deux semblables. Les caractéristiques sociales et la "culture" d’un quartier, la nature de l’équipe d’animation, jouent autant que les rapports à l’institution, leur modalité de mise en place (de haut en bas - ou de bas en haut) et le projet municipal (renouveler la gouvernance ou partager le pouvoir).

    Cet éclatement se retrouve d’autant plus dans les conseils à Montreuil, que le parti pris municipal en 1996, lors de leur lancement, a été celui de l’informalité. C’était à la fois l’expérience du premier conseil - le "comité de pilotage" du Bas Montreuil au tout début des années 1990 - et la demande des réseaux militants.

    Les contradictions de l’informalité

    Cette informalité reflète une volonté d’autonomie des habitants, toujours présente 10 ans après. Elle se traduit par une exception montreuilloise : les élus sont invités aux conseils, mais ne les président pas. En principe, ils ne jouent pas un rôle déterminant dans les sujets débattus. En principe, parce quelques élus, en minorité, n’ont pu s’empêcher de prendre en mains "leur" conseil.

    Les discussions sont donc particulièrement libres, et aucun sujet n’est tabou quand cela concerne la vie de quartier. Si certains conseils maintiennent une volonté généraliste, d’autres se spécialisent d

    Mais cette informalité a de nombreux effets pervers. Un conseil est souvent le seul reflet de son équipe d’animation, dans ses choix thématiques, ses relations à la municipalité, son autoreproduction (fermeture vis-à-vis des nouveaux, non-initiés), avec pour conséquence une faible représentativité.

    La ville n’a jamais mis à la disposition des conseils, composés de bénévoles, une infrastructure suffisante pour assurer leur relation avec l’ensemble des habitants : journaux, invitations, affichage, comptes-rendus, locaux, permanences, etc. Il n’y a qu’à voir le journal municipal et le site de la ville pour voir cette extrême faiblesse. Informalité et bénévolat ne sont durables que s’ils peuvent s’appuyer sur une forte volonté politique.

    Enfin, l’autonomie réelle est fortement limitée par l’existence du CCVL (conseil consultatif de la vie locale) qui assure la coordination des conseils en même temps que leur insertion dans la politique de la majorité municipale. Les élus d’opposition sont exclus du CCVL, où seuls figurent le maire et deux élus majoritaires, et il leur a été longtemps impossible d’avoir les comptes-rendus écrits des réunions...C’est un lieu stratégique pour le pouvoir municipal, où sont présentées unilatéralement les politiques municipales (récemment concernant les MAP) aux animateurs des conseils, relais vers les habitants.

    La persistance

    Sur les 11 conseils existant, 8 ont maintenant près de 10 ans d’existence : Bas-Montreuil-République, Bas-Montreuil-Bobillot, Solidarité-Carnot, La-Noue-Clos-Français-Blanche-Ravins, Villiers-Barbusse, Théophile-Sueur-Ruffins, Bel-Air-Grands-Pêchers-Ernest-Renan. 1 avait disparu, et vient d’être recréé : Branly-Boissière. 2 ont été constitués après 2001, correspondant à un nouveau découpage des quartiers : Étienne-Marcel-Chanzy et Ramenas-Fabien-Léo-Lagrange. 2, fondés en 1995, ont très vite disparu : Jean-Moulin et Centre-Ville. Dans le 14e quartier, Paul-Signac-MAP, les habitants s’activent, sans juger utile de constituer un conseil.

    Cette durée de vie doit conduire à relativiser les fréquentes plaintes sur les difficultés de fonctionnement, très souvent à l’ordre du jour des conseils. Il est vrai que certaines équipes des plus anciennes n’arrivent pas à se renouveler. Il est vrai aussi que d’autres ont connu des hauts et des bas. La persistance des conseils, malgré toutes leurs difficultés, en démontre le besoin.

    Les enveloppes de quartier

    Une innovation récente de la municipalité est en train de transformer la fonction des conseils, ne serait-ce que par la place occupée dans l’ordre du jour des réunions : les "enveloppes participatives" de quartier, en l’occurrence 2 fois 20 000 euros en 2005 (et 2 fois 30 000 en 2006). Cela concerne uniquement de petits investissements : sous réserve de l’accord de la municipalité, un conseil de quartier peut décider de petits projets dans la limite de ces sommes. Éventuellement, la municipalité peut mettre un financement complémentaire. Par contre, la municipalité n’a pas voulu mettre en place un "fonds de participation des habitants", relevant du budget de fonctionnement, et destiné à financer des projets d’habitants.

    Ainsi, sur 2005, ont été financés (mais pas obligatoirement déjà réalisés) : une citerne de récupération des eaux de pluie sur un terrain d’aventures, un local poubelles, l’amélioration de l’éclairage public, un projet de rampe de roller, un fleurissement du quartier, l’aménagement et l’informatisation du local du conseil de quartier, l’achat de matériel de jardinage pour la vallée des lutins, l’aménagement du square République, la réalisation d’une grande jardinière, le fleurissement de 3 squares, le projet d’un mur d’artiste, le projet d’aménagement du terrain autour de la maison Gérard-Rinçon, etc.

    Dans notre série d’articles, Le Poivron reviendra sur le bilan des enveloppes participatives.

    En guise de conclusion

    Comme dans la plupart des villes, le bilan des conseils de Montreuil est en demi-teinte. Ils sont sans doute loin de "redonner aux habitants le goût de la politique", loin de la participation rêvée, loin du partage du pouvoir.

    Leur principal échec concerne la problématique des projets de quartier. Le conseil de Villiers-Barbusse a su conduire, en 2000, la co-élaboration d’un projet de quartier ambitieux avec des dizaines d’habitants. Ce projet avait été validé comme emblématique par le conseil municipal à quelques mois des élections de 2001. Mais de tels projets (y compris celui de Villiers-Barbusse) se heurtent à l’extrême dirigisme de la politique globale d’aménagement de la ville. Et ni les élus, ni les services, ne semblent vouloir concéder une parcelle de pouvoir en ce domaine.

    Au total, même si certaines réunions se réduisent à moins de 10 personnes, ce sont dans l’année des centaines et des centaines de personnes qui viennent dans les conseils de quartier prendre la parole sur des questions d’intérêt local. C’est sans doute une goutte d’eau dans une ville de 100 000 habitants, mais c’est énorme par rapport à la démocratie locale et aux enjeux de la cohésion sociale.

    Patrick Petitjean


    IMPRIMER