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 Vous êtes ici: Accueil >  Sommaire des numéros parus >  Année 2006 >  N° 80 Avril 2006

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        Le maire de montreuil défend l’eau privatisée

        Touche pas à mon Sedif

        Depuis 83 ans, le Syndicat (intercommunal) des eaux de l’Île-de-France (Sedif), premier service d’eau potable de France, file une histoire d’amour touchante et tellement consensuelle avec Veolia (ex-Générale des Eaux)...

    C’est ce qui s’appelle un pavé dans la mare : il y a deux mois, l’Union fédérale des consommateurs UFC-Que Choisir publiait un dossier explosif sur le prix de l’eau, examiné dans 31 villes et collectivités de France. Que la facture des usagers ait considérablement augmenté, ces dernières années, n’est pas une découverte, chacun l’aura constaté par lui-même. En fait, UFC-Que Choisir s’est concentrée sur la « boîte noire » que constituent les composantes de tarifs aussi expansifs. Avec constance, les services de l’eau allèguent, au premier chef, que les coûts de dépollution vont croissant depuis des années. Explication bien courte, pour l’organisation de consommateurs, qui a voulu briser le mur de l’opacité opposé avec constance à qui veut en savoir plus - « c’est fort complexe, savez-vous, avec beaucoup de paramètres très variables »... Alors, l’UFC-Que Choisir, entourée d’experts, a entrepris de reconstituer les coûts, telle une entreprise désireuse d’entrer sur ce juteux marché. Résultat de sa modélisation : l’eau potable serait facturée aux clients de l’ordre de 1,7 fois son prix de revient à Lyon ou Reims, de 1,5 fois à Strasbourg, Angers ou Nantes, de 1,4 à Paris ou Lille. Morceau de choix de l’étude : la région parisienne, où la culbute effectuée par le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) serait de... 2,5 ! « Surfacturation », « marges abusives » , « préjudice faramineux ».

    Protestations de tous bords, en France, et particulièrement du Sedif, premier service de l’eau du pays par la puissance des 144 communes qu’il regroupe. Pour l’UFC-Que Choisir, le fond du problème est la considérable distorsion introduite par un « jeu concurrentiel défaillant », dans un pays où le service de l’eau potable a été délégué au privé dans près 80 % des cas, et à trois grandes entreprises principalement, dont deux surtout (Veolia et la Lyonnaise des eaux) se partagent 85 % de cette part ! En Île-de-France, l’emprise frise la caricature : le Sedif est « marié » depuis 83 ans à Veolia (auparavant Générale des eaux). Un syndicat où toutes les décisions se prennent, traditionnellement, à l’unanimité. Curieuse coalition où les différents politiques de la scène classique s’estompent, droite, communistes et socialistes à l’unisson pour la réalisation du grand’œuvre du service de l’eau au public...

    Ce front lisse a récemment été brisé par de dangereux agitateurs représentant une trentaine de villes, à la tête desquels le président de la communauté d’agglomération du val de Bièvre Christian Métairie ou l’ancien maire communiste de Saint-Denis Patrick Braouezec (aujourd’hui Président de l’intercommunalité “Plaine Commune”) , qui réclament, tout comme le fait l’UFC-Que Choisir, un retour des services de l’eau dans le giron du public. Ce qui n’est pas du tout du goût du tout-puissant patron du Sedif, le maire UDF d’Issy-les-Moulineaux André Santini, très en colère contre les dissidents et l’association de consommateurs qu’il a menacé d’un procès, « verbal » jusque-là, pour ses allégations.

    Et la ville de Montreuil, là-dedans ? Dignement présente, par l’entremise de son maire, l’un des 11 vice-présidents du Sedif. Jean-Pierre Brard réalise à cette place un de ces numéros d’équilibristes dont il a le secret. Il y a trois ans, il s’était (discrètement) montré enclin à voler dans les plumes de Santini. Et puis plus rien. Lors d’une réunion de crise convoquée par le « chef » pour faire face aux accusations de l’UFC-Que Choisir, le 9 mars dernier, le maire de Montreuil a soutenu le principe d’une action contre l’UFC-Que Choisir, et n’a pas ménagé ses critiques envers le groupe des élus qui réclament le retour des services de l’eau du Sedif en régie publique. En 2003, Jean-Pierre Brard avait déjà décliné la sollicitation de signer un appel international de la même eau adressé aux maires. Les intérêts du grand capital, ça se pourfend avec discernement...

    Mais voilà, le contrat avec Veolia arrive à échéance fin 2010, et la bataille est engagée - le pactole francilien est fabuleux, avec 550 000 clients, 270 millions de mètres cube d’eau facturés par an et 550 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les patrons du Sedif vont désormais avoir des comptes à rendre, devant une opinion publique beaucoup moins docile que lors des précédents renouvellements de noces, décidément d’airain, avec Veolia.

    Patrick Piro


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